TOULOUSE EN 2040

FACE AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Crédits : Claire05

Crédits : Claire05

VIDÉO DE PRÉSENTATION

SOMMAIRE

Crédits : Mostafa Meraji

Crédits : Mostafa Meraji

ÉPISODE 1

La ville de demain est encore loin d'être prête

La hausse des températures menace la qualité de vie en ville, et questionne leur fonctionnement global. Un aménagement urbain adapté aux défis modernes s'est mis en marche. Il nécessitera l'implication de tous pour devenir efficace.

Crédits : Rob

Crédits : Rob

ÉPISODE 2

Produire autour de Toulouse : les enjeux de l'agriculture

Les enjeux de l'agriculture face au réchauffement climatique : devenir plus verte, tout en s'adaptant aux changements du climat. Témoignage de Pierre Espagnet, agriculteur, accompagné de l'expertise de Nicolas Métayer, ingénieur chez Solagro.

Crédits : Lucent_Designs_dinoson20

Crédits : Lucent_Designs_dinoson20

ÉPISODE 3

Les réservoirs de la biodiversité toulousaine

Face au réchauffement climatique, il est essentiel de ménager des espaces où les espèces peuvent se développer. A Toulouse, ce sont les espaces verts et la Garonne qui remplissent ce rôle primordial de réservoirs de biodiversité.

ÉPISODE 1

LA VILLE DE DEMAIN EST ENCORE LOIN D’ÊTRE PRÊTE

Alors que l’inconfort provoqué par le réchauffement va devenir intenable dans les villes, limiter leur essor, et la concentration des habitants dans des conditions de vie souvent difficiles, apparaît comme une évolution nécessaire.

Crédit photo : Saiko3p

Crédit photo : Saiko3p

Un mois de septembre supérieur aux normales de saison de plus de 4°C, 33°C mesurés le 1er octobre, ce qui constitue un nouveau record de température en octobre à Toulouse… L’été semble s’étendre chaque année un peu plus longtemps, et l’inconfort que la chaleur génère ne s’en trouve pas diminué. En ville, le soleil tape fort la journée, et lorsqu’il se retire, la fraîcheur nocturne se fait trop souvent attendre, en vain. Cette sensation de chaleur accrue, vécue tant à Toulouse que dans toutes les grandes villes de France, s’explique évidemment par le réchauffement climatique. Celui-ci accentue en fait un phénomène inévitable, l’îlot de chaleur urbain.

Comparaison entre les températures de 2023 et les normales 1991-2020 à Toulouse. Crédit : Météo France

Comparaison entre les températures de 2023 et les normales 1991-2020 à Toulouse. Crédit : Météo France

https://podcast.ausha.co/avenir-en-ondes-2/le-rechauffement-climatique-cest-pire-en-ville

Caractérisé par une différence de température entre ville et campagne qui fait apparaître une sorte d’îlot sur les cartes, il se remarque particulièrement la nuit, quand la chaleur accumulée la journée par les matériaux des bâtiments est relâchée dans l’air. Les îlots de chaleur urbains varient en intensité en fonction de la taille de la ville concernée, des types de matériaux, et notamment de leur pouvoir réfléchissant, ou encore de l’intensité de l’activité humaine. L’absence du bénéfice d’air marin frais, comme ça peut être le cas dans d’autres villes, contribue à augmenter encore un peu son effet à Toulouse.

Les effets des îlots ne cessent de s'accroître, et rendent chaque année l’été en ville insupportable à plus d’habitants.

UNE CROISSANCE URBAINE À MODÉRER

L’intensité de l’îlot de chaleur varie notamment selon les quartiers. Elle dépend de l’agencement des bâtiments, des matériaux de construction utilisés, mais surtout, de la quantité d’espace bâti et imperméabilisé. En effet, il n’y a pas assez de végétation et de points d’eau en zone urbaine, alors que leur présence contribue beaucoup à faire diminuer la rétention d’air chaud. Le principal outil pour limiter la surchauffe urbaine sera donc la limitation de la quantité de sols imperméabilisés. Ceux-ci, en plus d’absorber la chaleur, empêchent l’infiltration des eaux dans les couches souterraines. Les cours d’eau débordent alors très vite en cas de fortes pluies, ce qui génère plus d’inondations.

"Les communes sont dans une course à la croissance"
Florence Frémont, du CAUE 31

Le Jardin du Grand Rond, à Toulouse. Crédit : Wikimedia Commons

Le Jardin du Grand Rond, à Toulouse. Crédit : Wikimedia Commons

Pour endiguer l’artificialisation, qui concernait 7,9% du territoire national en 2019, le gouvernement a introduit un objectif de Zéro artificialisation nette (ZAN) dans la loi Climat et résilience adoptée en 2021. “Il y a un début de prise de conscience, mais on est aussi dans un paradoxe, indique Florence Frémont, urbaniste au Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Haute-Garonne. Aujourd’hui, les communes reçoivent des dotations en fonction du nombre d’habitants qu’elles accueillent. Elles sont dans une course à la croissance. Dans le même temps, on leur demande aussi d’économiser le foncier, c’est-à-dire la ressource en sol. Il va falloir développer de nouvelles manières de faire.” La tension sur l’espace disponible sera encore accentuée par l’envie des habitants de voir plus de nature en ville : un sondage de NewCorp réalisé en 2018 plaçait la proposition “une ville qui remet la nature au cœur de la ville” en tête des aspirations des Français pour la ville de demain. “Au vu de la quantité limitée de ressources, il va y avoir de plus en plus de confrontations entre les projets d’espace bâti et la mise en place d’espaces verts, développe Florence Frémont. Les élus vont devoir arbitrer, et faire des choix pertinents.

BIEN SOUTENIR ET MIEUX RÉPARTIR

Dans ce contexte de raréfaction de l’espace disponible, il ne sera pas aisé de garantir un nombre suffisant de logements prêts à résister aux contraintes du réchauffement climatique.

Rénovation thermique. Crédit : Michèle Turbin

Rénovation thermique. Crédit : Michèle Turbin

Les mesures d’adaptation, comme la rénovation thermique des bâtiments, exigent la mobilisation de beaucoup de moyens financiers. Cela accentue forcément les inégalités, que les aides de l’État ne suffisent pas toujours à compenser. Le type de bâtiment, la position, l’orientation ou encore la hauteur, dans le cas des appartements, sont autant de caractéristiques qui obligent à adopter une approche personnalisée pour résoudre les problèmes. “On doit composer avec les caractéristiques des bâtiments, mais ils ont tous des avantages, sur l’inertie thermique, ou l’isolation des toits par exemple, détaille Laure Moulinou, architecte au CAUE 31. Mais la rénovation demande des ressources, et il faudra surtout adapter les aides aux situations.

“Je pense que le plus important reste de mieux répartir les humains et les zones d’emploi sur le territoire, et d’aller à l’encontre de la métropolisation, espère Florence Frémont. On aurait des villes plus apaisées, peut-être mieux agencées, et les gens auraient moins de distance à parcourir pour aller au travail, ça encouragerait la mobilité douce. Les communes tout autour en tireraient aussi des bénéfices.” Ces communes périurbaines, constamment en recherche de dynamisme économique, possèdent parfois jusqu’à 10% de logements vacants. La redirection des populations urbaines vers les alentours des villes apparaît donc comme une solution potentielle. A condition que le public soit sensibilisé à cet enjeu, ce que le CAUE s’attache à faire, tant auprès des particuliers que des élus. Dans l’espoir que tous se mobilisent suffisamment pour que dans quelques décennies, cette situation encore incertaine se soit améliorée

RÉAMÉNAGER LA VILLE POUR SURVIVRE, UN DÉFI URBAIN DÉJÀ AMORCÉ

D’ici 2040, la Ville rose devra faire face à de nombreux défis qui mettront en péril son modèle. Pouvoirs publics et citoyens auront besoin d’adapter leurs façons de concevoir la vie urbaine, en créant de nouvelles voies. Le chemin commence à peine.

500 000 habitants. C’est le seuil symbolique atteint cette année par Toulouse, en passe de devenir la troisième ville la plus peuplée de France, devant Lyon. Grande cité étudiante et temple de l’aérospatial, la Ville rose finirait-elle par devenir victime de son attractivité ? La Métropole annonçait début 2023 se préparer à accueillir 90 000 nouveaux habitants sur la période 2025-2035. Cette augmentation va forcer les pouvoirs publics à jongler avec des couteaux pour accueillir tout le monde sans que Toulouse ne sature. 

La recherche de la conservation d'un environnement vivable entraînera nécessairement des changements en profondeur. “Il est avant tout indispensable de réaménager les espaces pour mettre en place des solutions fondées sur la nature, explique Geneviève Bretagne, responsable du pôle transition écologique à l’Agence d’urbanisme et d’aménagement de Toulouse (AUAT). Les arbres sont très importants, parce qu’ils fournissent de l’ombre mais aussi parce qu’ils rafraîchissent l’air en émettant des micro-gouttelettes d’eau, lors du phénomène d’évapotranspiration. On doit aussi coupler la présence d’arbres avec plus de points d’eau, pour accentuer ce rafraîchissement”. En s’appuyant sur la littérature scientifique, on peut confirmer des réflexions en apparence évidentes : par exemple, un arbre est plus efficace contre la chaleur que de la pelouse. D’autres phénomènes sont moins intuitifs : il a ainsi été démontré qu’un groupement d’arbres, quelle que soit sa taille, rafraîchit toujours à une centaine de mètres à la ronde. Il est donc bien plus pertinent de disséminer de nombreux petits bosquets à travers l’espace urbain, plutôt que de planter une grande forêt en périphérie.

ACCEPTER DE RÉDUIRE L’ESPACE BÂTI

Tous ces éléments sont autant d’outils à la disposition des décideurs pour orienter les politiques publiques. Verdir Toulouse, et de la bonne manière, est un enjeu important, qui doit être pris en compte dans les plans locaux d’urbanisme. Celui présenté en 2019 pour l’ensemble de la métropole toulousaine a d’ailleurs été retoqué par la justice administrative deux ans plus tard.

Attractivité des principales villes françaises. Crédit : Les Echos

Attractivité des principales villes françaises. Crédit : Les Echos

La surconsommation d’espaces naturels et agricoles, remplacés par du foncier dans le projet, a provoqué son annulation. Pour réaliser le nouveau plan local d’urbanisme intercommunal (PLUiH), il faudra prendre en compte l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), formalisé dans la loi française en 2021. Concrètement, cela implique de ne pas augmenter la surface totale artificialisée, et donc de trouver de nouvelles solutions pour bâtir. “Ça va nécessiter de réduire l’emprise au sol des bâtiments, et on va continuer à construire en hauteur” ajoute Geneviève Bretagne.

 Le choix de la réhabilitation des constructions existantes, au lieu d’étendre la surface urbaine ou même de reconstruire, risque aussi de s’imposer. “Le contexte est toujours important, car un bâtiment ne correspond pas forcément à n’importe quel type d’usage, détaille Laure Moulinou, architecte au Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Haute-Garonne. Mais les projets dans l’existant vont quand même se multiplier ! Leurs coûts de construction peuvent sembler élevés, mais ils sont compensé par celui de l’extension urbaine: quand on construit à l’extérieur des villes, on doit développer des infrastructures, la voirie… Si on reprend le bâti déjà présent, on n’artificialise pas et on limite ces coûts additionnels.

DES SOLUTIONS MULTIPLES ET À COMBINER

Pour se donner une idée de la marche à suivre, on peut s’aider de certains exemples vertueux déjà existants. A l’AUAT, on évoque le cas du nouvel écoquartier de la Cartoucherie, non loin du Zénith, mais aussi celui de Monges-Croix du Sud, sur la commune de Cornebarrieu. “Dans ces quartiers, on a essayé de maintenir les haies et les bosquets déjà présents, en les liant avec des parcs et jardins, décrit Geneviève Bretagne. On y trouve aussi ce qu’on appelle une gestion de l’eau en aérien, c’est-à-dire sans tuyaux, mais avec des fossés, des bassins de rétention. En combinant plusieurs solutions, on peut vite avoir une amélioration très nette en termes de confort thermique.

L'écoquartier de la Cartoucherie. Crédit : Actu Toulouse

L'écoquartier de la Cartoucherie. Crédit : Actu Toulouse

Ces dernières années, on a aussi pu voir apparaître des solutions de court terme, visant à diminuer le désagrément du soleil estival. Des voiles d’ombrage dans les rues, ou des pavés poreux et irrigués, qui peuvent faire baisser la température du sol jusqu’à 25°C… Ces innovations contribuent à apporter du mieux-être en ville.

Le quartier de Monges-Croix du Sud, à Cornebarrieu. Crédit : Archistorm

Le quartier de Monges-Croix du Sud, à Cornebarrieu. Crédit : Archistorm

Malgré tout, la recomposition citadine prendra plusieurs décennies. L’initiative repose sur la volonté des élus, mais aussi sur les décisions des particuliers. L’efficacité énergétique et le confort d’un bâtiment dépendent énormément de sa mise en contexte, que ce soit par rapport à son quartier, son orientation, la nature environnante ou les sols. Des matériaux de couleur claire, des terrasses et des volets en bois, des isolants de qualité sont autant d’éléments qui jouent un rôle sur la qualité de vie dans un logement. Ils justifient le recours à un conseiller, afin d’être bien préparé à lancer un projet. Les envies des citoyens sont aussi mises en question, comme l’explique Laure Moulinou : “Le désir de maison individuelle reste très ancré chez les Français, mais il n’est plus tenable. Il faudrait développer un idéal plus viable, et des solutions existent, comme les maisons de ville en bande, ou l’habitat partagé. On peut aussi parler de la démarche Bimby, qui accompagne des ménages dans de la division parcellaire, notamment des familles qui ont vu leurs enfants quitter le foyer. Cela permet de couper un grand terrain en deux, et donc d’accueillir plus de monde sans augmenter la surface de foncier.

2040, C’EST DEMAIN

Ce développement d’alternatives individuelles s’accompagne de réflexions à plus grandes échelles : la mairie de Toulouse met en avant sa volonté de planter 100 000 arbres un peu partout dans la ville d’ici 2030, et l’on développe des projets d’aménagement laissant plus de place à la nature et aux mobilités douces, comme dans les rues Valade et Croix-Baragnon, en chantier en ce moment même. De nouveaux quartiers prévoyant plus de place pour les espaces verts sont en développement, dont celui entre Compans-Caffarelli et le canal du Midi, annoncé tout récemment par la mairie. Geneviève Bretagne se réjouit également des projets de partage d’expérience, comme ceux du projet LIFE, qui réunit des “jumeaux climatiques”. Pour Toulouse, il s’agit d’observer les expérimentations contre le changement climatique menées à Tunis pour en tirer parti, car Toulouse aura à la fin du siècle le même climat que Tunis actuellement. L'urbaniste en profite pour tempérer : “2040, c’est dans peu de temps. Ça correspond à ce qu’on dessine aujourd’hui pour Toulouse. Une ville est un objet très inerte, c’est donc important d’avoir un coup d’avance, une bonne capacité d’anticipation.” Il faudra bien entendu continuer à adapter notre environnement au-delà de 2040, et faire en sorte que cela soit suffisant. Pour que les générations présentes et futures ne vivent pas dans un enfer de brique et de béton.

Ruben Michavila

Le réaménagement en cours de la rue Valade. Crédit : Xavier de Fenoyl

Le réaménagement en cours de la rue Valade. Crédit : Xavier de Fenoyl

Le réaménagement en cours de la rue Valade. Crédit : Xavier de Fenoyl

Le réaménagement en cours de la rue Valade. Crédit : Xavier de Fenoyl

ÉPISODE 2

produire autour de toulouse : les enjeux de l'agriculture

L'agriculture est le deuxième poste d'émissions de gaz à effet de serre en France ; il représente 19 % des émissions nationales. En cause, le méthane (issu des élevages bovins) et le protoxyde d'azote (dégagé par les cultures), les deux principaux gaz polluants émis par les activités agricoles. Ce secteur, acteur du réchauffement climatique, en est aussi la victime.

Sources : statistique agricole annuelle, estimations SRISET.

Selon le rapport du GIEC (février 2022), 25% des pertes agricoles mondiales, entre 1961 et 2006, étaient dues aux sécheresses et aux canicules. Toujours d'après cette étude, 8% des terres dédiées à l'agriculture vont devenir "climatiquement inadaptées" d'ici à 2100 (30% selon le scénario le plus pessimiste). Une situation qui sera donc amenée à empirer, en augmentant les risques de pénuries alimentaires.

En Occitanie, première région agricole de France, une baisse significative des rendements a été mesurée. Les trois millions d'hectares de terres subissent chaque année plus violemment les changements liés au réchauffement climatique. Ainsi, les calendriers culturaux raccourcissent, les situations de stress thermiques et hydriques se multiplient. La variabilité des conditions poussent les agriculteurs à faire preuve d'une grande réactivité, en intégrant la notion de risque et de résilience des systèmes de culture.

Nous avons interrogé Pierre Espagnet, agriculteur à Fronton, afin de connaître les paramètres climatiques avec lesquels il doit jongler, et les leviers d'adaptation dont il dispose.

Nicolas Métayer, ingénieur chez Solagro en charge de la question agro-écologique, nous apporte une vision d'ensemble des enjeux climatiques du secteur agricole.

Léna Saoui

A Fronton, une ville située au Nord de Toulouse, Pierre Espagnet possède plusieurs hectares de vignes et de vergers. Agriculteur depuis plus de trente ans, il voit les conditions climatiques évoluer de plus en plus rapidement. Comme ses confrères/consœurs, il doit en permanence s'adapter aux changements du climat qui menacent leurs cultures. Une vidéo réalisée par Léna Saoui, Emile Sénécal et Ruben Michavila.

Nicolas Métayer est en charge de la question agriculture-climat chez Solagro, une association française qui traite des enjeux agro-climatiques. Il revient sur les problématiques majeures du secteur agricole face au réchauffement climatique. Une vidéo réalisée par Léna Saoui, Emile Sénécal et Ruben Michavila.

ÉPISODE 3

BIODIVERSITÉ : Richesses et contrastes de la ville rose

Parmi les grandes métropoles françaises, Toulouse est l’une des mieux loties en matière de biodiversité. “Nous sommes au carrefour entre la Méditerranée, l’Atlantique et les Pyrénées, explique Marie-Pia Marchant, présidente de l’association naturaliste Vera Cruz, rattachée à l’Université Paul-Sabatier. On retrouve donc les influences de ces trois écosystèmes dans la faune et la flore toulousaines”

La Prairie des Filtres, unique grand espace vert du centre de Toulouse (Crédit : Wikimedia Commons)

La Prairie des Filtres, unique grand espace vert du centre de Toulouse (Crédit : Wikimedia Commons)

Pourtant, selon l’Agence d’Urbanisme et d’aménagement urbain de Toulouse (AUAT), seulement 18m² d’espaces verts par habitant sont recensés, quand la moyenne, des cinquante plus grandes villes de France dépasse 50m². En plus de leur rôle de réservoir de biodiversité, les parcs et jardins sont des îlots de fraîcheur nécessaires en temps de fortes chaleurs. Enfin, pour l’équilibre et la santé mentale des citadins, l’idéal est de respecter la règle des 3-30-300 : il faut voir au moins trois arbres depuis son logement, vivre dans un quartier possédant une couverture arborée de 30% minimum, et habiter à moins de 300 mètres d’un parc ou d’une forêt. Loin d’être évident en zone urbaine. 

Les parcs et jardins se font rares au coeur de la ville, en dehors de la Prairie des Filtres. En revanche, à mesure que l’on s’éloigne de l’hypercentre, les espaces verts se multiplient, à l’exemple du parc de la Maourine (quartier de Borderouge) ou encore le cimetière de Terre-Cabade (sur la colline de Jolimont). Heureusement, la ville jouit d’une position géographique favorable. 

“À Toulouse, on a deux trames vertes et bleues très importantes, avec le Canal du Midi et la Garonne”, explique Magali Gérino, enseignante-chercheuse en écologie à l’Université toulousaine Paul-Sabatier. Selon ses analyses, ces deux axes constituent autant de points forts sur lesquels peut se développer la biodiversité locale : “Il faut protéger les trames actuelles et en créer de nouvelles.” C’est précisément ce que prévoit Toulouse Métropole, qui prépare la création de cinq grands parcs sur l’ensemble de son territoire.

RECRÉER DES CORRIDORS ÉCOLOGIQUES

L’objectif est de recréer des espaces naturels et de maintenir du lien entre eux. Cette ambition prolonge en tout point les ambitions de la loi “zéro artificialisation nette”, mise en place par l’Etat français. Au centre de ce projet, plusieurs cours d’eau, tous affluents de la Garonne: le Touch, la Margelle et l’Hers. Avec le canal du Midi et la Garonne elle-même, cinq parcs devraient former un grand cordon vert et bleu à horizon 2040. 

Pour le Grand Parc Garonne, le projet est d’envergure. L’île du Ramier sera ainsi “désartificialisée”. A terme, les halls de l’ancien Parc des Expositions de Toulouse seront détruits, et le béton retiré pour laisser place à la verdure. En tout, les Toulousains pourront profiter de 3.000 hectares d’espaces naturels, soit 30 km2.

Vue d'ensemble du projet de cinq grands parcs sur la métropole de Toulouse à l'horizon 2040. (Crédit carte : Toulouse Métropole)

Vue d'ensemble du projet de cinq grands parcs sur la métropole de Toulouse à l'horizon 2040. (Crédit carte : Toulouse Métropole)

CONSERVER PLUTÔT QUE COMPENSER

D’après Magali Gérino, la priorité est de maintenir en état la biodiversité existante. “Conserver et protéger est bien plus utile à la biodiversité que détruire, puis compenser”. La biodiversité connaît aujourd’hui un déclin généralisé auquel n’échappe pas la métropole toulousaine. De nombreux scientifiques parlent même de la sixième grande extinction de masse de l’histoire de la planète. La particularité de cette catastrophe annoncée est qu’elle est entièrement liée aux activités humaines. 

Les espèces animales et végétales sont pourtant dotées d’une résilience et de capacités d’adaptation insoupçonnées. En simplifiant le raisonnement, on pourrait dire que si le réchauffement climatique était la seule menace, elles pourraient s’y adapter. Mais les attaques contre la biodiversité se multiplient. Elles viennent de tous côtés: réchauffement, pollution, pression anthropique et destruction des habitats favorables. Ce dernier point est crucial: préserver les espaces naturels est un levier très important pour endiguer le déclin des espèces. Selon France Nature Environnement, fédération des associations françaises de protection de l’environnement, “la principale cause d’érosion de la biodiversité est la destruction et l’altération des espaces naturels”. Mais bonne nouvelle, c’est une donnée sur laquelle on peut agir. Le combat pour enrayer la destruction de la biodiversité n’est donc pas totalement perdu. Si l’on ne sait pas dans quel état elle sera en 2040, elle devrait au minimum avoir plus d’espace qu’aujourd’hui pour se développer dans la métropole toulousaine.

FOCUS SUR LA GARONNE

La Garonne, sixième plus long fleuve français, est la colonne vertébrale de la métropole toulousaine. C’est aussi l’espace le plus important pour la biodiversité de la Ville rose. Abritant des centaines d’oiseaux, de poissons ou de crustacés, elle se trouve en première ligne face aux changements climatiques. 

A Toulouse, son débit dépend étroitement de l’enneigement et de la fonte printanière. Frédéric Santoul, enseignant-chercheur, constate que “les effets du réchauffement climatique se font déjà sentir. Il y a moins de précipitations, donc le débit de la Garonne est moins important, notamment en période d’étiage” [le débit minimal d’un cours d’eau sur l’année, généralement entre juillet et octobre]. En 2022, suite à plusieurs vagues de chaleur, le fleuve a atteint son niveau le plus bas depuis plus de soixante ans (voir deuxième image). “Or, moins il y a d’eau, moins il y a d’oxygène dans le milieu, plus la pollution est concentrée” précise le spécialiste. 

L’impact sur la biodiversité se fait durement sentir. L’aire de répartition de plusieurs espèces se réduit. C’est notamment le cas de la truite, qui a besoin de cours d’eau très oxygénés. Ce poisson d’eau douce est obligé de remonter en amont du fleuve et disparaît de certaines zones qu’il a toujours fréquenté.

Si l’avenir de l’écosystème de la Garonne est difficile à anticiper, le chercheur envisage quelques tendances fortes. Tout d’abord, les espèces ayant besoin d’une eau saine et oxygénée verront leur territoire se réduire petit à petit et remonteront vers les Pyrénées. Certains affluents de la Garonne deviendront intermittents. Dans ce cas, les populations de poissons disparaîtront très rapidement, un mouvement déjà engagé pour certaines espèces. Enfin, après avoir longtemps eu des problèmes de qualité d’eau, c’est sur la quantité qu’il va désormais falloir se concentrer. Limiter l’utilisation de l’eau par l’Homme est une nécessité absolue. Dans le cas contraire, tout un fleuve, tout un écosystème se retrouverait en péril. Et emporterait dans sa chute toutes les espèces qui y sont liées.

La Garonne à un niveau moyen au niveau du barrage du Bazacle. (Creative Commons)

La Garonne à un niveau moyen au niveau du barrage du Bazacle. (Creative Commons)

La Garonne à un niveau critique en août 2022. (Crédits : Valentine Chapuis pour AFP)

La Garonne à un niveau critique en août 2022. (Crédits : Valentine Chapuis pour AFP)

LE SILURE, GRAND GAGNANT DU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE ?

En plus du réchauffement, les espèces natives de la Garonne se trouvent confrontées à de nouvelles menaces, dont une de taille : le silure glane, un énorme poisson-chat pouvant mesurer jusqu’à 3 mètres de long et peser 150 kilos. Ce carnivore vorace présente une particularité : il n’a aucun prédateur. Originaire d’Europe de l’Est et d’Asie, le silure a été introduit en France pour la pêche. Il pourrait être le grand gagnant du changement climatique. Résistant au manque d’oxygène, à l’aise dans les eaux calmes et chaudes, très adaptable, le silure possède l’arsenal biologique parfait pour y faire face. “Tous les facteurs du réchauffement climatique affecteront les autres espèces avant le silure”, abonde Frédéric Santoul.

Le silure, menace actuelle et future pour la faune garonnaise. (Creative Commons)

Le silure, menace actuelle et future pour la faune garonnaise. (Creative Commons)

Le réchauffement climatique lui permet même d’étendre sa zone de répartition, et de monter toujours plus en amont sur le fleuve. Si les dégâts qu’il cause sont difficiles à quantifier, il est certain qu’il n’arrange pas la situation pour des espèces déjà en déclin, comme la lamproie marine ou le saumon atlantique.

Emile Sénécal